La soie en Cévennes
Les Cévennes furent le pays de la soie : la filature de la soie fut pendant longtemps la principale branche de commerce de nombreux villages cévenols.
Si l’on commence à y filer la soie dès le Moyen Age, c’est sous le règne d’Henri IV que cette activité prend son essor. Le coût croissant de la soie grège venant principalement d’Italie amène en effet le pouvoir, au XVIe siècle, à favoriser une production à l’intérieur du royaume. C’est alors que se multiplient les plantations de mûriers blancs, des arbres à la croissance rapide, dont les feuilles servent à nourrir les vers à soie au printemps. L’élevage des vers à soie se répand.
L’architecture de certaines maisons garde encore trace de ces activités : les Cévenols installent chez eux des magnaneries, espaces réservés à l’élevage du ver à soie (magnan). Il s’agit généralement de l’étage supérieur de la maison, surélevée dans ce but : disposant de petites ouvertures permettant l’aération, c’est un espace sombre et vaste, d’une chaleur tempérée, propice à « l’éducation » des vers.
Les vers à soie
Les « graines » de vers à soie (en réalité, les œufs) étaient traditionnellement mises à éclore grâce à la chaleur humaine : les femmes en portaient sous leurs vêtements, ou l’on se mettait au lit pour leur servir de couveuse. Les vers se développent ensuite pendant cinq semaines, où ils dévorent une quantité impressionnante de feuilles, avant de monter dans les claies pour y filer leur fil. Vient ensuite le décoconnage (la récolte des cocons), qui vont pouvoir être filés.
Développement de l'activité
La sériciculture et la filature continue à se développer dans la région, sous l’impulsion de Colbert. Celui-ci, impressionné par la qualité des bas de soie fabriqués dans les Cévennes, favorise le développement de cette activité en y envoyant des métiers. La production, considérable à partir du XVIIIe siècle, était écoulée à la fois localement (on pouvait par exemple acheter de la soie à la foire du Vigan), mais également dans toute la France ainsi qu’à l’étranger. Ainsi, les bas de soie, fabriqués notamment au Vigan ou à Aulas, étaient exportés dans divers pays d’Europe et jusque dans les Indes Occidentales.
Cette industrie fut d’abord essentiellement familiale et se faisait à domicile, de façon artisanale. Jusqu’au début du XIXe siècle, il y avait encore beaucoup de petits ateliers à côté d’établissements plus importants. Après 1840, cependant, le chauffage des bassines à la vapeur et l’application des moteurs mécaniques firent surgir la véritable industrie de la filature. Les femmes et les jeunes filles, constituant une main-d’œuvre bon marché, rapportent des filatures un complément de revenus appréciable pour leur famille.
L’industrie de la soie est alors à son apogée, mais ne va pas tarder à connaître un déclin dans la deuxième moitié du XIXe siècle, avec l’apparition de maladies tuant les vers à soie et ravageant les magnaneries, puis avec la concurrence des soies exotiques (asiatiques, surtout).
C’est à cette époque que se développe l’industrie de la schappe (textile obtenu avec les déchets de soie) qui reste encore importante au début du XXe siècle, mais elle sera frappée dans l’entre-deux-guerres par la concurrence des industries étrangères et l’apparition de la soie artificielle. Cette industrie disparaît à son tour au milieu du XXe siècle.
La soie n’a cependant pas tout à fait fini de faire parler d’elle en Cévennes, avec l’installation à Monoblet d’un atelier produisant des matériaux de soie, à l’aide de procédés innovants… Cela aura permis la création de quelques emplois locaux et la restauration d’anciens vergers de mûriers.